Sébastien Anex

Editorial, 2015

Des vies arrachées

Hanouf, 20 ans, de Raqqa, réfugiée depuis deux ans, a transporté un lit d'enfant, vieux de trente ans, déjà utilisé par ses parents pour la bercer. Elle y couche maintenant à son tour ses propres enfants.

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Turkia, 65 ans, de Hama, réfugiée depuis quatre ans, a emporté un vieux billet de dix livres syriennes, en souvenir de ses racines. Il est pour elle primordial de ne pas oublier l'histoire de son pays.

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Wazira, 22 ans, de Raqqa, réfugiée depuis trois ans, a emmené une théière. Son grand-père irakien l’avait achetée dans son pays natal. Deux mois avant sa mort, il avait demandé à la mère de Wazira de ne jamais se défaire de cet objet.

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Saba, 37 ans, de Hama, réfugiée depuis quatre ans, a pris un réchaud traditionnel, qu'elle craignait ne pas pouvoir retrouver ou acheter lors de son exil.

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Khayriya, 40 ans, de Hama, réfugiée depuis quatre ans, a trimbalé un saj (une plaque métallique chauffée généralement par un feu de bois) pour cuisiner un pain traditionnel, sain et bon marché.

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Tofaha, 60 ans, de Alep, réfugiée depuis trois ans, a, par peur de ne jamais rentrer au pays, charrié une commode « d’une grande valeur monétaire », offerte par sa belle-soeur.

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Projektbeschrieb

Tout quitter du jour au lendemain. Tout ? Presque. Avant d’abandonner peut-être à jamais leurs vies précédentes, ces syriennes, contraintes à un choix déchirant, ont emporté quelques objets. Chassées par la guerre, elles ont fui leur pays natal pour se retrouver parquées sous des tentes de fortune dans la plaine de la Bekaa, au Liban. Ce sont là leurs nouveaux domiciles, que ces femmes tentent de personnaliser et de s’approprier par une décoration sommaire et par l’apport de quelques objets de valeur. Valeur sentimentale, matérielle ou d’usage. Quatre après le début de la guerre, chacune avec son histoire, ces réfugiées présentent ici la chose qui leur est la plus chère, lien ultime, à la fois fort et fragile, avec leurs proches et leurs lieux de vie arrachés.
Leurs pensées toujours vont à leurs familles dont la fuite les a séparées. Elles vont aussi vers la Syrie, leur patrie, et la paix qu’elles y ont jadis connue.

Publikationsinformationen

Titel der Arbeit
Des vies arrachées
Agentur
LE MATIN
Kunde
LE MATIN
Publikation
LE MATIN DIMANCHE
Ausgabe
08.03.15
Seite(n)
18